Comment la chef habilleuse de Phénix noir a veillé sur les costumes des mutants
Le Phénix noir du coscénariste/réalisateur Simon Kinberg est un film X-Men pas comme les autres pour une foule de raisons. Pour commencer, on a fait disparaître X-Men du titre afin de braquer résolument les projecteurs sur l’héroïne tourmentée du film, Jean Grey (Sophie Turner), qui, en prenant la forme du Phénix noir, donne son nom au film et se place au cœur de l’action. En plus de l’élimination du nom du super groupe de mutants, le film de Kinberg est le premier de la série à faire porter aux X-Men des uniformes qui les distinguent les uns des autres. Phénix noir tente également de faire revenir les X-Men sur terre (malgré une intrigue qui comporte de la navigation spatiale et une rencontre avec un extraterrestre méchant) en donnant à tous les personnages, de Jean Grey au vénérable Magnéto (Michael Fassbender), des looks plus ordinaires.
Ce que tout cela voulait dire en pratique pour la chef habilleuse Catherine (Catoo) Gélinas était qu’elle aurait à veiller sur beaucoup d’articles dans les mille et uns costumes portés par la distribution. Si vous ne savez pas au juste ce que fait une chef habilleuse, voici une petite introduction utile : Catherine Gélinas devait passer en revue la totalité des pièces d’habillement que vous voyez à l’écran. C’est au concepteur des costumes que revenait la tâche de créer le style vestimentaire du film, mais c’est à la chef habilleuses que revenait la responsabilité d’assurer que sa vision se concrétise grâce à des retouches, des réparations et des ajustements de dernière minute afin que les costumes projetés sur l’écran soient exactement conformes aux intentions de leur créateur.
Dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Catherine Gélinas nous a parlé de son immense responsabilité, du plaisir de travailler sur un film aussi énorme et aussi étendu que Phénix noir et des raisons pour lesquelles le tournage d’un film au Québec représente une expérience unique et souvent transformatrice pour les membres de la distribution et de l’équipe de tournage.
Peu de gens savent ce que fait une chef habilleuse – comment décririez-vous votre rôle essentiellement?
Je suis plus ou moins la policière responsable de ce qu’on voit à l’écran. Voir à ce que tout le monde soit confortable, qu’ils n’aient pas froid, qu’il n’y ait rien qui frotte sur la peau, que tous les équipements requis pour les cascades soient confortables, toute la continuité, les ajustements à faire à la dernière minute à des costumes qui vieillissent, je dois jeter un œil sur tout ce qui sera placé devant la caméra.
J’imagine que ça veut dire que vous avez affaire à de nombreux départements en plus des acteurs eux-mêmes…
Il faut concilier les aspects techniques et les aspects humains. Mon travail a la très bizarre particularité de m’amener à établir l’intimité avant de demander la complicité. Souvent, quand je rencontre un acteur ou une actrice, ce sont des gens que je vois pour la première fois, et je me retrouve avec les mains dans leur pantalon ou leur brassière une heure plus tard. Ça fait partie du métier. Puisque je suis sur le plateau, je dois m’assurer d’avoir de bons contacts avec tous les départements de manière à ce que nous sachions d’avance ce que nous devons préparer. Les départements des accessoires et des costumes, bien entendu, se parlent constamment, mais je rencontre aussi des représentants du département son parce qu’ils installent leurs microphones partout sur nos costumes. Nous interagissons également avec les départements de la coiffure et du maquillage pour discuter de bonnes et de moins bonnes choses : « Tu mets du maquillage partout sur mes cols, grrrr [rires]. » Mon département joue un rôle très central, il faut qu’on collabore avec beaucoup de monde. On a également travaillé avec le département électrique sur ce film.
Pour quelle raison?
Parce qu’il fallait installer des lampes dans les casques des astronautes et que la batterie était dissimulée dans les vestes. Il a fallu créer de petites poches à l’intérieur et y glisser les batteries afin qu’ils aient une lampe dans leur casque et qu’on puisse leur voir le visage. Le département des costumes joue un rôle très central, surtout dans des films de super-héros où les acteurs portent une armure, des casques branchés, et où il y a tellement de cascades et de doublures cascades. Il faut que tu puisses organiser les costumes utilisés dans les cascades de manière à ne pas avoir besoin de 300 costumes de la même sorte, et il faut également que tu t’occupes des costumes devant 300 autres personnes à toute vitesse.
Phénix noir est un film X-Men pas du tout comme les autres. L’avez-vous senti personnellement?
J’ai travaillé sur chaque film X-Men depuis Days of Future Past. Ce qui était complètement nouveau dans ce film, c’est que tout le monde avait un uniforme pour aller dans la navette spatiale, et on n’avait jamais eu ça avant. Chacun avait son propre look et sa propre identité, mais pour ce film, c’était très spécifique. Ils ont essayé différents modèles, et ensuite, quand on s’est finalement entendus sur le bleu foncé et le X jaune, cet uniforme est devenu un personnage. L’uniforme a été fait à la main et sur mesure pour chaque acteur.
Y a-t-il eu un film X-Men sur lequel vous avez travaillé avec plus de plaisir que sur les autres?
Pour moi, le meilleur costume a été celui du Fauve (Nicholas Hoult) parce qu’il avait une double apparence. La première est celle d’un gars très maigre et peu impressionnant, ce scientifique avec plus ou moins zéro personnalité [rire]. Ensuite, il se transforme en ce personnage bleu musclé et hirsute rempli d’arrogance. Nicholas était un charme à habiller, tout le monde l’aimait parce qu’il était tellement gentil. Quand on lui donnait son look civil, qu’on lui faisait porter ce petit cardigan, tout avait l’air tellement rond et usé et presque triste. On s’est vraiment efforcés de lui donner un air triste et déprimé. Mais quand le personnage de Nicholas se transformait en bête, comme on disait, ce pauvre type avait quelque chose comme trois étagères de costumes sur le dos. Un costume d’homme musclé qui était trois fois plus grand que sa taille normale. Mais c’était le meilleur défi parce que ça vous montre comment un costume aide à construire un personnage.
Magnéto, le personnage de Michael Fassbender, porte le fameux casque qui est l’article le plus iconique de l’habillement des personnages du film. Avez-vous manipulé ce casque?
Quand Magnéto ne le portait pas, le casque restait dans une petite boîte doublée de velours où nous le placions parce qu’il valait tellement d’argent [rire].
Pour un profane, cela semblerait être un élément facile à gérer du costume – tu le mets sur une tête, et le tour est joué.
Son casque a toujours été un problème pour chaque département – son, coiffure, maquillage. Ces petits détails exigent tellement de travail. Sur Phénix noir, par contre, il a eu droit à un costume très aéré et très confortable. T-shirt, jeans, une grande veste, super simple. Il n’y avait pas de cape délirante, mais le casque était toujours là, bien que dans une version antérieure. Et il n’y en avait que quatre, répartis dans trois unités. Donc en faisant le calcul, savoir mettre le bon casque sur la bonne unité était un défi. Et on ne peut pas en avoir 10 000 parce qu’ils sont tellement beaux, ils sont sculptés et puis moulés sur la tête du personnage, mais ils doivent également pouvoir être portés par un cascadeur.
Le personnage qui subit la transformation de loin la plus importante et la plus intégrale est la Jean Grey de Sophie Turner. Avait-elle de nombreux costumes à coordonner?
L’idée principale de Simon concernant Phénix noir était : « Je veux que ces personnages-là aient une apparence aussi normale que possible pour que les gens puissent s’y identifier. » Comparativement aux films qu’on avait faits avant ça, c’était moins caricatural, il s’agissait beaucoup plus de tenues ordinaires, civiles. Pour ce qui est de Jean Grey, elle porte d’abord des choses très confortables et très flatteuses – jeans, t-shirt et veste longue – puis, à mesure que l’histoire avance, les couleurs changent, mais les coupes restent les mêmes. Certains jours, on la filmait dans un costume très simple de jeune fille sage qui était sélectionné pour la période antérieure au début de la mission. C’est très subtil, mais plus le film avance, plus les couleurs s’assombrissent et plus la veste s’allonge. Mon rôle était de voir à ce qu’il n’y ait pas d’erreurs de continuité et à ce qu’elle porte toujours le bon costume au bon moment.
Vous avez travaillé sur chacun des trois films X-Men qui ont été tournés au Québec. Qu’est-ce qui ramène la franchise dans la région?
Il y a quelque chose de très particulier dans la façon de tourner un film au Québec, nous avons un département qu’on ne trouve pas ailleurs : celui des unités. Ce département nous facilite la vie, surtout en ce qui concerne les costumes sur le plateau. Puisque le camp de base est parfois très éloigné, les acteurs ne peuvent pas retourner à leurs roulottes. C’est là qu’intervient le département, qui se situe à mi-chemin entre les extérieurs et les assistants de réalisation. Ils s’occupent de toute l’organisation sur le plateau et aux alentours. Vous constaterez la différence dans la manière dont nous organisons les tentes, les chaises, les tables, les miroirs et les étagères. Essentiellement, ce département crée des foyers d’artistes qui sont portables. Ils nous placent toujours au meilleur endroit et créent des tentes spéciales pour notre département. Quand il s’est agi de tourner les scènes d’astronautes et que les costumes étaient tellement volumineux qu’ils ne rentraient pas dans une tente normale, par exemple, le département des unités a vu à ce que nous ayons des tentes plus hautes. Ils voient également à ce que nous ne manquions pas d’eau, de piles pour nos émetteurs-récepteurs portatifs, de climatisation ou de nourriture.
Ils ressemblent presque à des concierges de la production cinématographique.
Ils font vraiment ce qu’il faut pour assurer le confort dont nous avons besoin sur le plateau, ce qui permet aux assistants réalisateurs de s’occuper des acteurs et des seconds rôles. Sans eux, nous aurions été bien misérables. On était parfois dans des studios, mais à d’autres moments on était en pleine campagne avec quelque chose comme
10 000 moustiques, des conditions extrêmes, et le département des unités était là pour reconstruire les tentes et assurer le confort de tous les départements. Les autres équipes ne comprennent pas au départ, mais après ils veulent un eux aussi. Il nous a vraiment facilité la vie.
Pour en apprendre plus sur Phénix noir, lisez le texte de notre conversation avec la chef maquilleuse Annick Chartier ici.
*Par Bryan Abrams (en anglais) via The Credits*